Fiscalité, Mécénat
Date de publication : 21/01/2022
Solène Girard
Qu’est-ce que le mécénat ? Une association peut-elle en bénéficier ? Quelles sont les conditions à remplir ? Embarquez avec nous dans ce dossier complet pour répondre à toutes les questions que vous vous posez à propos du mécénat, des dons que les associations et les organismes d’intérêt général peuvent recevoir et des réductions d’impôts dont peuvent bénéficier les donateurs, qu’ils soient entreprises ou particuliers !
Article mis à jour en juillet 2024
Le mécénat est un dispositif légal permettant à des personnes physiques ou des personnes morales de bénéficier d’une réduction d’impôt (IR/IS/IFI) en raison des dons et versements qu’ils effectuent au profit de certains organismes d’intérêt général.
Il se traduit par un soutien financier (en numéraire), en nature ou humain versé par des particuliers ou des entreprises à des organismes d’intérêt général.
Le principe général et fondateur du mécénat est l’absence de contrepartie. En effet, les donateurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, doivent manifester une intention libérale, c’est-à-dire ne pas attendre de contrepartie au don qu’ils effectuent. A défaut, il ne s’agira pas d’un don et les éventuels avantages fiscaux en découlant ne pourront être appliqués.
Le mécénat doit donc bien être distingué du parrainage (ou appelé aussi sponsoring) qui est, quant à lui, une opération commerciale dont l’entreprise versante attend un bénéfice commercial et direct, proportionné au soutien qu’elle apporte.
A noter : dans le langage courant, il est fréquent que le terme « mécénat » soit utilisé pour désigner l’ensemble des dispositifs permettant d’effectuer des dons au profit d’organismes sans but lucratif contre réduction d’impôt (par des personnes physiques comme morales) alors que cela concerne en réalité uniquement le dispositif de réduction d’impôt des personnes morales, prévu à l’article 238 bis du CGI.
Il existe trois types de mécénat : le mécénat financier, le mécénat en nature et le mécénat de compétence.
Selon sa taille, son fonctionnement et ses ressources, le mécène choisira celui qui lui correspond le plus.
Le mécénat financier consiste en un versement d’un don en numéraire (espèces, chèque, virement) à un organisme d’intérêt général.
Le mécénat en nature permet à une entreprise de donner des biens ou services qu’elle produit dans le cadre de son activité courante (table, chaise, matériel informatique, mais encore services divers…) à l’organisme bénéficiaire.
Enfin, le mécénat de compétence permet à une entreprise de mettre à disposition d’un organisme d’intérêt général un de ses salariés qui montre une compétence particulière (technique, humaine ou sociale). Il s’agit d’une pratique fréquente dans les grands groupes français, qui permet à des associations et fondations de bénéficier de profils qualifiés.
À lire :
Le mécénat de compétences, en quoi consiste-t-il ?
Pour les donateurs particuliers, une distinction est faite selon le type de don : les dons manuels (dons les plus courants), les donations (acte notarié) et les legs (après le décès du donateur). Ces dons peuvent être en numéraire comme en nature.
A lire :
Les legs et donations pour les associations, fondations et fonds de dotation
Le particulier, lorsqu’il est bénévole dans une association, pourra également abandonner les frais qu’il a engagés pour le compte de l’association, sous conditions. Consultez notre article qui détaille toutes les conditions prévues par la loi, le barème des frais kilométriques ainsi que le schéma comptable qui doit être mis en œuvre dans les comptes de l’association.
Les cotisations versées par les membres d’une association peuvent, également, ouvrir droit au bénéfice d’une réduction d’impôt si l’association répond aux conditions prévues par l’article 200 du Code général des impôts (CGI).
Attention au terme « cotisation » et à ce qu’il englobe : les « cotisations » qui ouvrent droit à des prérogatives classiques (être adhérent, pouvoir être élu au bureau, vote à l’AG) ouvrent droit à la réduction d’impôt. Mais celles qui prennent la forme d’un bien ou de prestations de service (tarifs préférentiels…) n’entrent pas dans le champ d’application du mécénat. Sur la notion de contrepartie, l’administration a précisé que l’existence d’une telle contrepartie s’apprécie en fonction de la nature des avantages éventuellement accordés à l’adhérent ou au donateur. Doivent alors être distingués les avantages purement institutionnels ou symboliques et les contreparties tangibles. Pour plus de détails, consultez notre ebook.
Il peut également s’agir d’un abandon exprès de revenus ou de produits. Les revenus ou produits auxquels les contribuables décident de renoncer au profit d’organismes d’intérêt général peuvent correspondre notamment à la non-perception de loyers (prêts de locaux à titre gratuit), à l’abandon de droits d’auteur ou de produits de placement solidaires ou caritatifs.
Quelle que soit sa nature, l’abandon d’un revenu ou d’un produit à un tiers suppose que le donateur en ait eu la disposition préalable. Ainsi, ces revenus ou produits sont imposables à l’impôt sur le revenu : ils y sont assujettis dans les conditions de droit commun.
De la même manière, la mise à disposition à titre gratuit d’un local à usage autre que l’habitation au profit d’un tiers s’analyse, du point de vue fiscal, comme l’abandon d’un revenu équivalent au loyer que le propriétaire renonce à percevoir, évalué par rapport à la valeur locative réelle du local. Par suite, le loyer ainsi abandonné présente le caractère d’un revenu imposable dans les conditions de droit commun applicables aux revenus fonciers.
A noter : un abandon de créance ne peut pas donner lieu à l’émission d’un reçu fiscal !
A lire
Un abandon de créance peut-il donner lieu à l’émission d’un reçu fiscal ?
Une association peut-elle bénéficier du mécénat ? Oui, mais sous conditions. En effet, toutes les associations ne peuvent pas bénéficier du régime fiscal du mécénat, c’est-à-dire recevoir des dons qui permettent au donateur (entreprise ou particulier) de bénéficier d’une réduction d’impôt. Retour sur les règles applicables en la matière.
Le Code général des impôts précise quels sont les organismes qui peuvent bénéficier du mécénat :
Sont concernés les organismes qui :
Les critères de l’administration fiscale (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10) au sujet de la gestion désintéressée s’apprécient au regard des dirigeants bénévoles, des salariés et de l’utilisation des ressources par l’association.
À lire :
La gestion désintéressée de l’association
L’organisme ne doit pas être fiscalisé, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être soumis aux impôts commerciaux.
Il est admis que l’existence d’activités lucratives ayant fait l’objet d’une sectorisation ne remet pas en cause la qualification d’intérêt général d’une association ou d’une fondation. Pour bénéficier de l’avantage fiscal, les versements doivent cependant être affectés directement et exclusivement au secteur non lucratif de l’organisme bénéficiaire. Cette dernière condition ne peut être considérée comme remplie que si l’organisme dispose d’une comptabilité distincte pour les secteurs lucratif et non lucratif, y compris s’il souhaite soumettre l’ensemble de ses activités à l’impôt sur les sociétés.
Cette notion n’est pas prévue par la loi mais a été érigée en condition par l’administration fiscale et la jurisprudence. L’objectif est de s’assurer qu’un organisme, qui prétend bénéficier du dispositif du mécénat, n’agit pas seulement au profit de certaines personnes.
Il en serait ainsi des organismes qui auraient pour objet, par exemple, de servir les intérêts d’une ou plusieurs familles, personnes ou entreprises, de faire connaître les œuvres de quelques artistes ou des travaux de certains chercheurs.
A lire
Cercle restreint & intérêt général
L’organisme doit avoir un des caractères prévus par la loi. De manière exhaustive (art. 200, 1-b) CGI et art. 238 bis, 1-a) du CGI), les organismes éligibles doivent avoir un caractère :
D’autres cas particuliers sont prévus par les articles 200 et 238 bis du CGI.
Découvrez un tableau récapitulatif dans notre ebook.
L’organisme doit avoir son siège en France ou dans l’espace européen (voir ci-dessous) et exercer son activité en France.
Une dérogation existe pour les associations dont le siège est en France mais qui exercent une activité en dehors des frontières européennes : il s’agit des actions humanitaires, des actions concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, des actions en faveur de la protection de l’environnement naturel, des actions scientifiques. Ces actions sont éligibles sous réserve de répondre aux conditions posées par l’administration fiscale (BOI-BIC-RICI-20-30-10-10 §250 et s.).
En cas de doute, vous pouvez effectuer une « demande relative à l’habilitation des organismes à recevoir des dons et délivrer des reçus fiscaux » auprès des services fiscaux. Il s’agit du rescrit « mécénat ». Mais attention, si ce rescrit va permettre à l’administration de se prononcer sur le caractère d’intérêt général de l’association, cette dernière devra analyser son régime fiscal en amont !
Pour les activités en France et à l’étranger :
Mécénat : recommandations pour les dons finançant vos actions menées à l’étranger
La typologie du donateur entraine des traitements fiscaux différents. Les dons peuvent ouvrir droit à des avantages fiscaux, c’est-à-dire à une réduction d’impôt pour le donateur.
L’entreprise bénéficie d’une réduction d’impôt sur les bénéfices (impôt sur les sociétés – IS et impôt sur le revenu – IR) de :
Les dons et versements sont pris dans la limite de 20.000 euros ou de 5 ‰ du chiffre d’affaires si ce montant est plus élevé.
La fraction des dons qui excède 20.000 euros ou 5 ‰ du chiffre d’affaires est reportée sur les 5 années suivantes.
Le particulier peut bénéficier de deux types de réductions d’impôts : une réduction d’impôt sur le revenu (IR) et une réduction d’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Elle est prévue par l’article 200 du CGI. Le particulier contribuable qui effectue des dons et versements à un organisme d’intérêt général bénéficie d’une réduction d’IR de 66% du montant des sommes prises dans la limite d’un plafond global de 20% du revenu imposable.
Ce taux est porté à 75% pour les versements retenus dans la limite d’un plafond revalorisé chaque année (1.000 euros jusqu’en 2026, contre 562€ « normalement »), effectués au profit des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l’article 261 du CGI à des personnes en difficulté.
Les dons et versements sont pris dans la limite d’un plafond global de 20% du revenu imposable.
La fraction des dons qui excède 20% du revenu imposable est reportée sur les 5 années suivantes.
Le particulier concerné par cet impôt peut affecter sur l’IFI, dans la limite de 50.000 €, 75% du montant des dons en numéraire ou en pleine propriété de titres de sociétés admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger.
A noter : toutes les structures ne peuvent pas bénéficier des dons IFI. Seules certaines expressément mentionnées par la loi sont concernées, par exemple : les fondations reconnues d’utilité publique d’intérêt général ou les dispositifs d’insertion par l’activité économique.
La donation temporaire d’usufruit (DTU) consiste pour un particulier à donner, sur une durée limitée et déterminée, l’usage et les revenus, c’est-à-dire l’usufruit, de l’un de ses biens. Le donateur, quant à lui, conserve la nue-propriété de son bien.
La DTU permet donc à un donateur de faire un don limité et temporaire tout en conservant la propriété de son bien. A l’issue du délai fixé, le donateur récupère la pleine propriété de son bien.
Cette opération n’est pas définie par le législateur et est issue de la pratique. L’administration fiscale a donc apporté des précisions et posé des conditions dans le cadre de l’IFI (BOI-PAT-IFI-20-20-30-10 §280).
Pour plus de détails : téléchargez notre ebook
Lorsque les associations et les organismes d’intérêt général reçoivent des dons ouvrant droit à réduction d’impôt, ils doivent délivrer des reçus fiscaux aux donateurs.
Ces reçus fiscaux doivent répondre à un modèle fixé par l’administration fiscale.
Il existe deux modèles de reçus fiscaux :
Comment établir le reçu ? Quelles sont les mentions obligatoires du reçu fiscal ? Le reçu fiscal doit-il être adressé par le contribuable lors de sa déclaration d’impôt ? Quel est le contrôle de l’administration ?
Pour en savoir plus :
A découvrir : Reçu fiscal, dons et impôts : le guide complet
Que se passe-t-il lorsque les dons sont faits à des organismes dont le siège est situé dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat partie à l’Espace économique européen ?
Les dons et versements consentis à des organismes étrangers situés au sein de l’espace européen sont également éligibles au mécénat sous conditions. Ces organismes européens doivent poursuivre des objectifs et présenter des caractéristiques similaires, tant par leur forme que par leur objet, à ceux des organismes éligibles dont le siège est situé en France. L’administration fiscale précise qu’il ne suffit pas que l’organisme se prévale de la qualification d’intérêt général dans le pays où il a son siège, il doit répondre à l’ensemble des conditions prévues pour l’application du régime français.
Ces organismes peuvent solliciter un agrément attestant qu’ils poursuivent des objectifs et présentent des caractéristiques similaires ou produire au donateur les pièces justificatives en attestant. BOI-BIC-RICI-20-30-10-10 §220 et suivants
Le mécénat est un dispositif légal de plus en plus contrôlé. La loi de finances pour 2016 avait déjà introduit un nouveau contrôle fiscal portant sur les reçus fiscaux ayant pour objet de s’assurer de la cohérence entre les montants portés sur les reçus délivrés et les dons et versements effectivement perçus.
Ce contrôle fiscal a été étendu par la récente loi « séparatisme » du 24 août 2021 à un contrôle de la régularité de la délivrance des reçus fiscaux (c’est-à-dire à un contrôle sur le fond, sur la possibilité d’émettre des reçus fiscaux).
Cette loi « séparatisme » a également instauré une nouvelle obligation déclarative des dons reçus incombant aux organismes qui délivrent des reçus fiscaux.
A noter : les entreprises ont déjà, depuis la loi de finances pour 2019, une obligation déclarative des dons de plus de 10.000 € qu’elles ont consentis sur une année, obligation qui a des conséquences pour les organismes d’intérêt général bénéficiaires.
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Le mécénat, un mode de financement contrôlé
A voir :
Sponsoring et mécénat dans les associations sportives
Solène Girard
Responsable Nationale Marché Economie Sociale
Solène est Responsable nationale de la ligne de marché « Economie Sociale » chez In Extenso. Dans ce cadre, elle anime et coordonne le réseau pour le marché spécifique des associations et de l’économie sociale.